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Réflexions sur l'action et la pensée politique de Patrice Emery LUMUMBA : sa vision du Congo et de l'Afrique. Son combat pour l'émancipation des masses populaires , l'Unité Nationale, l'Intégrité Territoriale, la Souveraineté, la Démocratie, la Justice Sociale et le Développement durable, etc ...

Devoir de mémoire pour Lumumba, devoir de vérité pour l’Afrique !

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Devoir de mémoire, devoir de vérité historique ! C’est sous ce signe que les fils de Patrice Emery Lumumba, 1er Premier ministre de la République démocratique du Congo, assassiné en janvier 1961, ont désormais placé leur combat. Ils revendiquent vérité et justice sur l’assassinat de leur père, il y a 49 ans. Patrice Lumumba fait partie de cette génération de leaders africains qui ont cru à l’indépendance de leurs pays, qui se sont battus pour conquérir cette indépendance et qui ont payé de leur vie, leur patriotisme. Trahi par ses propres frères, mis hors d’état de nuire par le colon belge et ses alliés occidentaux, Lumumba a été assassiné, son corps découpé et dissous dans de l’acide sulfurique. C’est du reste ce qui ressort d’une enquête réalisée par le Parlement belge. A l’époque, le royaume de Belgique avait présenté ses excuses au Congo pour ce drame.

En clair, la responsabilité de la Belgique ou, tout au moins, de citoyens belges dans l’assassinat de Lumumba, a été établie. On parle d’une douzaine de citoyens belges formellement identifiés. Dans tous les cas, après le Parlement, la Justice belge va devoir trancher et dire le droit. L’avocat des ayants-droit de Lumumba est catégorique : les faits ne souffrent d’aucune ambiguïté. Il reste seulement à les qualifier. Pour les Lumumba et leur avocat, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un crime de guerre, donc imprescriptible. Ils veulent donc que toute la vérité soit dite sur cette page sombre de l’histoire du Congo Léopoldville, aujourd’hui RDC. Ils veulent que les responsabilités soient situées, surtout en ce qui concerne l’implication de la Belgique dans cette tragédie, et que, par conséquent, le droit soit dit.

La balle est maintenant dans le camp de la Justice belge. Un juge d’instruction devrait bientôt se prononcer sur la plainte des Lumumba. Suivra-t-il la position de leur avocat ? Attendons de voir si la Justice sera juste envers les ayants-droit de celui qui, 50 ans plus tôt, était devenu la mauvaise conscience de l’Administration coloniale belge.

La suite de cette affaire pourrait constituer une base de jurisprudence pour tous les Africains qui, d’une manière ou d’une autre, ont souffert des pratiques impitoyables et inhumaines des administrations coloniales qui s’étaient arrogées le droit de vie sur les peuples indigènes. Elle intervient au lendemain du cinquantenaire de l’Indépendance du Congo, célébré le 30 juin dernier. Le devoir de vérité et de mémoire, surtout en cette année du cinquantenaire de la plupart des pays africains francophones, est avant tout, une quête de dignité pour les peuples africains qui doivent pouvoir puiser aux sources de la foi et de l’engagement de leurs héros (les vrais et pas ceux que l’on fabrique à coup d’évènementiels ou de grande campagne de communication), la fierté et le patriotisme nécessaire à leur remobilisation pour l’indépendance véritable de l’Afrique.

Ce qui est arrivé à Lumumba est la preuve que l’indépendance acquise en 1960 n’était que formelle. Pire, revendiquer l’indépendance véritable était assimilable à un crime de lèse majesté et passible d’assassinat cruel. Ce qui s’est passé au Congo en 1961 a peut-être influencé d’autres évènements similaires dans d’autres pays avec les coups d’Etats intempestifs, notamment au Burkina Faso, avec l’assassinat, le 15 octobre 1987, du Président Thomas Sankara. Le concernant, sa veuve et ses deux fils réclament vérité et justice, mais en vain jusque-là, la Justice burkinabè ayant opté de jouer à cache-cache.

Peut-être faudra-t-il aussi, pour les Sankara, porter plainte contre l’Etat français, d’autant plus que des révélations faites à ce jour, insistent sur l’implication de la France ou de ses gouvernants d’alors dans la tragédie du 15-Octobre. Peut-être que le moment est enfin venu pour les Africains de se convaincre que le devoir de vérité et de mémoire constitue une pierre angulaire de la construction des nations. En tous les cas, aucune construction durable n’est possible dans le mensonge et les vrais héros ne sont jamais ceux qui se croient investis de tous les droits et de tous les pouvoirs. Ceux qui, par la force des choses et des contorsions de toutes sortes, sont parvenus à la tête des Etats africains et qui ont régné ou qui règnent par la force, doivent se convaincre enfin que la vérité historique finit toujours par s’établir. Rien, absolument rien, ne peut arrêter la marche du temps, et Dieu seul sait qu’en cours de route, elle finit toujours par se débarrasser des embellis qui cachent les pratiques honteuses et cruelles des hommes et des femmes qui vivent de l’illusion d’entretenir les ténèbres sur ce qu’ils sont dans la réalité. Béni soit le jour où, des ténèbres, jaillira cette lumière de la vérité qui éclairera à jamais les chemins tortueux de la construction des nations en Afrique. Puisse la plainte des Lumumba constituer le premier pas de cette longue marche vers la dignité retrouvée des peuples d’Afrique.

Boureima OUEDRAOGO

Source : Le Reporter N° 53 du 1er septembre 2010 voir à http://www.reporterbf.net/


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